Jeff le scaphandrier
Le quatrième jour des travaux, quand on l’eut remonté à bord et sorti du scaphandre, Jeff se montra singulièrement, soucieux.
Voilà ce qui importe. Et non le point exact où se trouvait le vapeur Le Pays, juste au-dessus de la vieille épave du Corporal Smith reposant par 58 mètres de fond. Et non plus la quantité ni la valeur des lingots et pierres précieuses coulés jadis avec le Corporal Smith et qu’il s’agissait de rendre à l’usage des hommes. Et rien d’autre, enfin, n’importe sinon ce qui va suivre.
Jeff n’était pas bavard. Il n’avait pas l’habitude, une fois sorti du scaphandre, de s’épancher sur ce qu’il avait vu et fait au fond de la mer.
Mais, ce quatrième jour, chacun remarqua tout de suite l’étrange silence qu’il observait et, sur sa figure, la gravité d’un homme qui cache, on ne sait quelles pensées des moins riantes.
— Eh bien, Jeff Ça va ? dit le capitaine Barthe.
— Ça va, capitaine, répondit Jeff sans le regarder.
Sur quoi il bourra sa pipe et, au lieu d’aller se reposer, resta longtemps à marcher sur le pont, en fumant.
Si bien que le capitaine revint à la charge.
— Allons, Jeff, qu’est-ce qu’il y a ?
— Rien, cap’taine.
— Bon. N’essayez pas de me donner le change, mon vieux. Qu’est-ce qui vous est arrivé tantôt ? Qu’est-ce que vous avez vu en, plongée ? Disons mieux, Jeff qu’est-ce qui vous embête ?
Jeff réfléchit un moment, le front bas et sourcilleux puis il releva la tête d’un mouvement bref, comme pour secouer son obsession.
— Rien, répéta-t-il.
— Ah ! ah !… Dites-moi, Jeff, Vous n’avez jamais eu peur ?…
Cette nouvelle du domaine public a été publiée dans la rubrique Les mille et un matins, du quotidien Le Matin en 1932. Elle fait aussi partie de l’ouvrage Scaphandriers publié par les éditions opoto en 2015.
Photo de couverture (détail) : Descente d’un scaphandrier : [photographie de presse] / [Agence Rol] – 1920, Gallica, Bibliothèque nationale de France.
Éditions opoto, février 2016, ISBN : 978-2-919752-66-9
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